mardi 1 avril 2008

TROIS JOURS DANS LE SINE SALOUM

Réveil par les oiseaux. Le matin, c’est un festival de chants. Il fait beau, la nature respire la sérénité. Tout le monde est aimable. « Bonjour, ça va ? bien dormi ? ». Euh… A relativiser. Ici, tout le monde demande de tes nouvelles, plus par tic de langage que par réel souci de ta personne. Quand les sénégalais discutent entre eux, c’est important, il faut prendre des nouvelles de l’autre. Ca a l’air assez élaboré. Une conversation ne commence pas avant trois ou quatre échanges protocolaires de ce type. Et parfois on a l’impression qu’au milieu de la conversation ils reprennent le sujet. Enfin on imagine, on comprend pas le wolof. Toujours est-il qu’on prend vite le pli local.
Avec la marée basse, on va faire une balade à travers la mangrove accompagnés d’un guide. Très vite on patauge entre les palétuviers. Attention aux racines constellées d’huîtres, ça coupe. Curieux ce contraste entre parties humides et zones désertiques dès qu’on s’éloigne du fleuve. L’érosion a raviné et aplani, l’eau a bourré la terre de sel, rien de pousse plus désormais. A part là où d’anciens pécheurs habitaient jadis et avaient entassés des coquilles d’huîtres, les baobabs survivent (huître = calcaire = baobab). Au passage, on teste le fruit du baobab, le pain de singe. Une fois ouvert, a l’aspect d’une meringue. Tout sec. Malgré son aspect imposant, ces arbres semblent moins massifs, plus fragiles que prévu.
A la mi-journée, on ne fait rien du tout. On se trouve une chaise à l’ombre, face au fleuve, et on attend patiemment que la chaleur s’apaise. Quand il y a un peu de vent, ça va. Quand il n’y en a pas, on se réfugie dans la case. Le tout en grignotant, qui des mangues, qui des noix de cajou.
Une fois un peu de fraîcheur revenue, on tente une sortie pour aller se baigner. Mine de rien, il y a pas mal de courant. Et l’eau est très salée (la mer n’est pas loin, et on sent l’effet des marées). N’empêche, c’est très agréable.

Le lendemain matin c’est canoë sur le fleuve. La proximité de l’eau fait que le soleil tape moins fort. Un peu comme la veille, nous nous enfonçons dans le labyrinthe de mangroves, à l’affût des hérons, pélicans et autres bestioles à plumes. Parfois la marée oblige à laisser les canoës et on continue un peu à pied. Eternel plaisir du canoë quelle que soit la latitude : asperger les autres à grands coups de pagaies.
Pour la baignade du jour, on se lance un défi, remonter le fleuve. C’était sans compter le courant (oui, on n’est pas con, on fait l’aller dans le sens le plus dur…). Trois quarts d’heure pour l’aller. Dix minutes pour le retour, et encore, sans forcer, il y a juste à faire la planche et se laisser porter, en faisant attention de temps en temps à ne pas trop foncer sur les palétuviers. Vu de la berge, le trajet n’est pas extraordinaire… 500 mètres ?
Aujourd’hui je fais un accroc à mes principes gastronomiques. Je mange des huîtres. Ici, la mode est de les faire sécher au soleil puis bouillir. C’est pas terrible mais quand on a faim… Et vu qu’on est assez isolé et que le prochain resto est à une heure de trajet, on fait avec ce qu’on a.
Un truc marrant à noter. Pour nous interpeller, les sénégalais s’adressent à moi. Pas à mademoiselle alors que c’est elle qui la plupart du temps discute ou négocie. Ca l’arrange elle car elle est pas emmerdée. Ca m’arrange moi car ça me donne l’impression que c’est moi le chef. Bref, tout le monde est content.

Pour le dernier jour ici, le matin c’est la rando à la lisière du fleuve, à la frontière entre la mangrove et la savane. Partout des oiseaux. Le guide a beau insister, répéter, répéter encore, les noms d’oiseaux, ça ne rentre pas. La marée est basse, sur le sable, plein de petits crabes violonistes se baladent et courent se planquer dès que nous approchons. Quelques singes se promènent, nous regardant de loin, avec suspicion. Quelques bruits bizarres de temps en temps dans les fourrés, le guide dit qu’il s’agit de phacochères. Des traces sur le sable : des hyènes, des chacals… Pendant ce temps, le guide nous parle des difficultés liées à l’augmentation des prix des matières premières (cf. les émeutes quelques jours avant).
L’heure avance, et en plein soleil, ça commence à chauffer. Retour au campement, et comme nous en avons pris l’habitude : sieste puis baignade. Cette fois ci, la marée tardant à remonter, nous en profitons pour traverser le fleuve. En fait c’est facile, il y a pas mal de bancs de sable et dès que le niveau de l’eau baisse, on a pied presque partout. Par contre, le courant est toujours aussi fort.
Le soir venu, balade jusqu’au village où nous étions arrivés en pirogue. On prend le chemin des écoliers, l’occasion, là encore, de voir quelques singes au loin se faufilant dans la mangrove et quelques oiseaux chanter encore et encore. L’occasion de voir un peu comment tout ceci s’organise, l’école, les champs, les puits (mais d’où vient l’eau douce ?). L’occasion surtout de passer par le petit marché à touristes et d’acheter quelques babioles.
Retour face au soleil couchant qui frôle les arbustes de la savane, plongeant le tout dans un curieux halo brumeux.
On se renseigne sur la suite du voyage.
Tout le monde confirme que le passage des douanes gambiennes, en théorie tout à fait facile, est rendu plus délicat par l’attitude des douaniers qui au mieux demandent quelques billets, au pire en demande beaucoup. De l’avis général, la route de Banjul est plus pénible (alors que sur la carte c’est le chemin le plus court). On nous conseille donc de passer par Kaolack. Coup de chance, un couple de franco-sénégalais avec voiture (en rade à Toubacouta mais censée être réparée) prend cette route le lendemain et est d’accord pour nous accompagner pour un bout de chemin. D’ailleurs, le mec partage son expérience de la Casamance et y va de son récit de prise d’otage (vols, violences, menaces de mort et tout le bazar) par les rebelles. Ca refroidi un peu l’ambiance.