mardi 1 avril 2008

TROIS JOURS EN CASAMANCE

Enfin, c’est le jour de la paye : on trouve une banque où changer de l’argent ! Et puisqu’on y est, on prend les billets pour le bateau du retour le dimanche.
On hésite encore un peu sur l’endroit où aller. Enampore ? Koubalan ? Après une rapide enquête auprès des autochtones, on en conclue que le plus simple d’accès est Oussouye (à une quarantaine de kilomètres, en direction de l’océan) qui, même s’il est le plus éloigné, est un village desservi par une route goudronnée empruntée par tous les 7-places qui vont à Cap Skirring. Nous optons donc pour la facilité. Et on a raison, en une heure on y est.
On arrive à trouver le campement villageois, ou plutôt, un riverain nous y guide au moment où on commençait à se paumer. Un peu comme le Keur Bamboung de Toubacouta, les campements villageois de Casamance sont des structures touristiques (logement, restauration) gérées par les villageois sur un mode vaguement écotouristique. Par exemple, pas d’hôtels mais des cases. D’ailleurs, nous sommes logés dans une curieuse case à étage. Il y a beaucoup d’espace libre entre les pièces, peut être à cause de la fragilité de la structure. C’est assez sombre mais ça a quand même du style. Un peu plus loin quelques ouvriers travaillent à la construction d’une nouvelle case, d’un autre type cette fois (dit à impluvium).
Après la sieste habituelle en attendant la fraîcheur du soir, nous partons à l’aventure le long d’une route qui mène on ne sait où. On se retrouve sur un chemin forestier à zigzaguer entre les palmiers et les anacardiers. C’est agréable. La forêt nous protège du soleil. Un léger vent souffle. Quelques paysans grimpent sur les palmiers pour récolter le vin de palme. Les flamboyants ne sont pas en fleur mais sont majestueux quand même. Les manguiers croulent sous les fruits. Tout va bien.
Le soir, nous constatons que nous sommes les seuls touristes au campement. On pensait pourtant que c’était une destination prisée. On nous explique que c’est pas trop la saison pour les touristes, d’ailleurs, en août ils ont beaucoup d’espagnols, ce qui explique au passage pourquoi certains gamins nous saluent parfois par un "hola !" plutôt que par un "toubab !".
Pour le lendemain, on demande si un guide est dispo pour nous faire faire une petite balade à pieds dans les environs. Bien sûr. On espère secrètement qu’il nous renseignera sur les fromagers, ces trucs mystérieux dont le Routard et le Lonely Planet nous rabattent les oreilles à la moindre occasion.

Flaubert (c’est notre guide) est très bavard. Il nous raconte tout sur tout, et quand il n’y a rien à raconter, il raconte des trucs qui n’ont pas grand chose à voir. Par exemple, il y a son pote Mustapha (guide, lui aussi) et ses touristes qui veulent absolument aller dans le parc naturel de Basse Casamance, qui rappelons-le est miné et donc interdit à la circulation. Une demi-heure de digressions plus tard, il s’arrête de lui-même, alors qu’on ne sait toujours pas si quelqu’un a sauté sur une mine.
Il nous balade dans les petits villages du coin, à travers les champs, expliquant ceci, montrant cela. Rien de transcendant mais très sympathique quand même. On prend notre temps. Et il nous explique ce qu’est un fromager : les arbres énormes avec plein de plis dans le tronc. Ouf.
On finit par la potière du coin qui nous raconte par le menu tous les stades de la fabrication de ses objets. On a même droit à une démonstration en direct et en deux coup de cuillère à pot, elle fait son petit vase. Y a plus qu’à laisser sécher et puis cuire. On se pose là un bon moment. La grand-mère pile le riz, la fille revient de la ville avec quelques bijoux, le pépé se réfugie à l’intérieur de sa case pour chercher le frais… Moi je me concentre sur l’observation d’un petit chat qui fait comme tous les petits chats du monde : il emmerde sa mère en lui sautant sur la queue, il se fait peur en approchant des poules, sautille partout à la moindre occasion et finit par s’endormir dans un coin.
De retour à Oussouye, je tente d’appeler Air Sénégal pour confirmer mon retour. Déjà, il y a eu des modifications dans le système de numérotation téléphonique mais avec l’aide de la population locale, j’arrive à faire le bon numéro. Qui sonne occupé. J’essaierai toute la journée d’appeler mais je n’arriverai jamais à joindre qui que ce soit. Occupé ou absent. Lose. Entre deux coups de téléphone, on s’achète une noix de coco. Une fois rentrés au campement pour la sieste de la mi-journée on tente de la manger et il faudra toute la patience de mademoiselle pour l’éplucher et la casser.
En soirée, on part sur la route qui mène à M’Lomp. Le chemin est très agréable, enfin, pour un piéton car pour un véhicule c’est une autre histoire vu l’état de la route. Bref, d’un côté les rizières, de l’autre la forêt. Pendant la saison des pluies, alors que tout reverdi, ce doit être encore mieux. Là encore, nous sommes confrontés à la gentillesse naturelle des oussouyois : les gens s’arrêtent pour discuter et ceux qu’on a croisés la veille nous salue avec un franc sourire. Ces derniers nous font un peu culpabiliser car ils se souviennent de nos noms alors que nous ne nous rappelons rarement le leur. Tous en tout cas sont très fiers de leur région ("la verdure !") et veulent qu’on reviennent l’année prochaine.
Tant bien que mal, nous tentons de prendre notre rôle de touriste au sérieux en prenant quelques photos histoire de ramener au moins quelques preuves de notre présence dans ce pays.

Même si on est dimanche, on se lève tôt et on va se balader au hasard. A travers les rizières asséchées où broutent paisiblement quelques bovins. Puis on passe par un village et enfin par une forêt où se repose l’éternel problème : comment distinguer un palmier (à huile) d’un cocotier (sachant que le cocotier appartient à la famille des palmiers). C’est bon, je ne dirai plus que le Sénégal est un pays désertique.
Allez, c'est l'heure de rentrer...
Pour prendre la bateau, il faut retourner à Ziguinchor. Contrairement à ce qu’on pensait, les taxis-brousse ne courent pas les rues. Ou alors en étant patient car on ne peut chopper que ceux qui viennent de Cap Skirring et qui sont déjà bien remplis. On attend gentiment sur le bord de la route avec d’autres oubliés des transports et de quelques oisifs en quête de compagnie (ce qui semble répondre à la question de mademoiselle "mais où sont les mecs pendant que les nanas travaillent ?"). Mon voisin de trottoir m’entraîne aux différentes formes de salutation. Kassoumaye / Kassoumaye balé (en diola). Naka nga def / Mangi fi rek (en wolof). Salam aleikoum / Aleikoum salam (en arabe mais compris par tout le monde). Au bout d’un moment on en a marre d’attendre (et on est un peu pris par le temps) et on se paye un taxi. Evidemment, certains petits malins n’attendaient que ça pour nous demander de les prendre avec eux. OK, mais on partage le prix du taxi. Dans ces conditions, ça n’intéresse plus personne et on a le véhicule pour nous tout seuls (ou presque).
A Ziguinchor, j’en profite pour aller dans une agence d’Air Sénégal et (enfin) confirmer mon vol de retour. Chose faite rapidement car la nana de l’agence a une astuce redoutablement efficace : elle appelle ses collègues sur leurs portables persos car sinon, de son aveu même, c’est très difficile de les avoir.
Et nous prenons le bateau. On essaie de passer en douce avec nos gros sacs (un tuyau filé par un sénégalais afin de ne pas avoir à poireauter une éternité à l’arrivée) et ça passe plutôt bien jusqu’à ce que, in extremis, on nous les reprenne. Ce qui nous empêchera de prendre une douche ce jour-là (dommage car ça commence à sentir le fennec quand on enlève les chaussures).
Le bateau est tout nouveau et ça se voit (il fonctionne depuis début mars seulement). On dirait une installation modèle pour IKEA. On est dans une cabine de 8 et ça ressemble vraiment à une maison de poupées avec ses petits lits superposés, ses petits draps de couleurs et sa moquette toute propre.
Le bateau ne va pas bien vite mais c’est pas grave. C’est l’occasion de rattraper son retard dans la lecture des Courrier International et de grignoter des noix de cajou (comme d’hab’).
Le soir venu, le mal de mer commence à se faire sentir chez certains…