lundi 1 décembre 2008

10 - Guinée - morale - passeport

Heureusement, pour se consoler des dégâts tardifs des troubles balkaniques, il reste, caché dans un coin, un film guinéen. Film sympa, que l’on oublie très vite, mais qui a quelques répliques qui claquent, du genre : « tu peux pisser aussi loin que tu veux, n’oublie pas que les dernières gouttes te tomberont sur les pompes ». La particularité du jour, c’est que pour rentrer dans la salle, c’est à Mademoiselle qu’on reproche sa nationalité. D’habitude, c’est moi qui en tant qu’étranger doit montrer passeport ou payer plus cher. Là non, c’est elle, vu qu’elle parle arabe qui est l’objet de questions. Car apparemment, les égyptiens ne sont pas trop les bienvenus dans la salle. Ne pas me demander pourquoi. Mais bon, comme elle accompagne un étranger, ça ira pour cette fois. Cela dit, c’est vrai que c’est très complexe cette question de nationalité pour Mademoiselle. Elle doit toujours justifier qu’elle est égyptienne. Toujours. Informer de la nationalité de ses parents, systématiquement. Sortir sa carte d’identité, souvent. Et à chaque fois un
أنت مصرية ؟, pas méchant, non, juste surpris, amusé ou tout simplement curieux. L’air de rien, c’est pesant. Au fond, elle n’est pas chez elle. Mais d’un autre côté, elle en joue. Elle utilise son passeport français quand ça l’arrange. Généralement quand il s’agit d’avoir la paix face aux conventions sociales. Là, c’est moi qui pose problème. Je l’accompagne mais nous ne sommes pas mariés. Circonstances que je suppose aggravantes, je suis étranger et non musulman. Donc, en gros, en tant que française, il n’y a aucun souci, mais en tant qu’égyptienne, la situation n’est pas correcte. Tout ceci m’échappe un peu il faut bien l’avouer. Je ne saisis pas bien ce que ça implique. Des regards réprobateurs ? Des laïus moralisateurs ? Quelques menus obstacles techniques ? Toujours est-il que lorsqu’on est sur les routes ou pour les hôtels, elle sort son passeport français. Et tout va bien. Mais ce n’est pas forcément facile à assumer pour elle. Dans le bus Nuweiba – Le Caire par exemple, à chaque check point se posait la question : quelle identité montrer ? Et rien n’empêche les petites montées de stress quand après une vérification des papiers des passagers il est demandé à la fille au fond là bas de descendre du bus pour contrôle. Sur ce coup là ce n’était pas pour elle mais l’espace d’un instant elle ne fut pas tranquille. Française ou égyptienne, aucune de ces deux solutions ne semble satisfaisante et au final elle est condamnée, par les autres, un peu par elle-même, à être toujours une étrangère. La seule qui détecte en elle une égyptienne, et qui insiste là-dessus malgré le passeport français, c’est la fliquette des douanes à l’aéroport, au retour. Amère satisfaction car c’est son boulot et c’est la dernière personne qu’on croise avant de prendre l’avion…