Saint Siméon (dit le stylite) meurt après avoir vécu pendant 40 ans de manière quelque peu ascétique au sommet de sa colonne dans les collines du nord d’Alep. Forcément, après un tel exploit, les gens se sont sentis un peu obligé de construire une énorme basilique autour de la colonne. Pour y aller, prendre un mini bus jusqu'à Daret Azzeh. Et continuer à pied sur cinq kilomètres ou se faire prendre en stop par un kurde qui est d'humeur bavarde. Il vous lâchera devant la seule colline couverte de cyprès. C'est là.
Nous voici face à des ruines. Il ne reste que des pans de murs, plein d'arcades, quelques remparts... Comme toujours en Syrie, le temps semble ne pas avoir les mêmes effets dévastateurs qu'ailleurs dans le monde et ces bâtiments de 1500 ans ont l'air en pleine forme. OK, il en manque des morceaux, c'est parfois un peu une pagaille de colonne écroulées, l'herbe envahi tout, mais bon, ces énormes blocs de pierres semblent là chez elles, immuables, et à jamais. Assez impressionnant mine de rien. Et puis l'emplacement est sympathique. Un peu en surplomb, quelques arbres, la plaine austère autour et les montagnes turques enneigées au loin. Alors qu'ici le ciel est d'un bleu bien bleu. Et nous arrivons assez tôt pour éviter les autocars de touristes (qui ne doivent pas être légion mais sait-on jamais...).
Pour encourager les gens à pousser un peu plus leur visite du coin, un organisme suisse a balisé un chemin de randonnée qui travers quelques villages antiques abandonnés (j’imagine bien un suisse demander au Département Fédéral des Affaires Etrangères une subvention pour baliser des randos dans la campagne syrienne). On a donc décidé d'en faire un bout, jusqu'à un gros bourg où il sera plus facile de récupérer un mini bus pour Alep. Disons une dizaine de kilomètres. Quand on raconte ça au jeune canadien qui visite aussi l'église en ruine, il nous souhaite bien du courage et parait tout à coup content d'avoir payé pour un taxi perso depuis Alep. Encore un qui a un programme chargé. Genre le lendemain, d'Alep, il va à Apamée, puis au Krak des chevaliers et retour vers Damas. Ca fait pas mal de route ça quand même non ? Non, ben non, au Canada, les distances on est habitué, la Syrie c'est rien à côté. Certes. Bref. Après un modeste déjeuner à base d'amandes / noix de cajou / abricots secs à l'ombre des oliviers, nous entamons la route. En traversant un village on voit sur une paroi rocheuse quelques sculptures romaines. Comme ça, l'air de rien au bord de la route. Comme des tags millénaires auxquels plus personne ne prête attention. Très vite le chemin est assez ardu. En fait, parler de chemin est peut être un peu exagéré. Il s'agit surtout de grimper la montagne dans la caillasse. On ne croise bien évidemment personne à part quelques vaches perdues en train de grignoter les maigres touffes d'herbe.
Nous arrivons finalement au sommet, bien moins intéressant que la montée. Genre une antenne de télé, quelques pelleteuses qui pellettent. Et puis une petite route qui emmène les familles du coin prendre le thé ou en pique nique dans la verdure, loin de l'agitation de la ville. C'est vendredi, c'est congé pour tout le monde. Des bosquets d'orangers s'échappent des discussions et des bruits de cavalcades de gamins.