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samedi 1 avril 2006

Contexte

: Turquie
Quand : du 25 mars au 4 avril 2006
Avec qui : 4 losers

Etapes :
- Istanbul
- Cappadoce


La bande

Donc on est 5.

Jérôme, japonais professionnel, c'est à dire qu'il prend beaucoup de photos. En fait il s'y connaît un peu et les développe lui-même. Il se balade toujours avec ses deux appareils et les divers objectifs qui vont avec. Il a harcelé tous les marchands de pellicule de Cappadoce parce qu'il en cherchait (en vain) de 1600 ISO. Parfois un peu trop hardi. Exemple : "Tu crois que ça craint si je prends en photo le groupe de nanas voilées là bas?" Il faut donc parfois ruser. Exemple : "Tu te mets devant comme si c'est toi que je te photographiais puis au dernier moment tu te décales." Autre particularité, il a la ‘’lose’’ (en gros il a pas de chance).

Fabien, le frère du précédent. C'est un jeune qui n'en veut, il est venu avec une entorse de la cheville. Or on a beaucoup marché, et du fait de l'entorse, ses appuis ont changé, il a donc choppé des ampoules. Puis c'est le tendon d'Achille qui a souffert. Les derniers jours, il pouvait plus faire un pas. De ce fait il connaît toutes les pharmacies d'Istanbul et de Cappadoce et a une forte expertise dans l'achat de plusieurs kilomètres de bandages divers. Lui aussi est un peu japonais et prend en photo les plats au resto (c'est pour les montrer à sa grand mère qui est arménienne).

Guillaume, alias Zouzou. Aventurier. Ne peux pas s'empêcher dès qu'il voit une grotte d'aller voir ce qu'il y a dedans. Plutôt doué aux cartes, en tout cas, pour le jeu auquel on a joué pendant tout le séjour. Aime bien se bagarrer avec Joël. Dort avec un maillot de l'OM comme pyjama.

Joël, l'initiateur du périple. Astronome amateur. A planifié le voyage et réservé les logements divers. N'a pas peur néanmoins de voyager sur le mode gitan. La bouffe turque provoque chez lui certains troubles digestifs qui incommodent ses coéquipiers. Hélas, il mange beaucoup. Aime bien se bagarrer avec Zouzou.

Et moi.

Istanbul (1)

Samedi 25 : Pour le voyageur fraîchement débarqué, Istanbul est une ville qui a quatre caractéristiques principales.
1) c’est une ville à la géographie très particulière, avec de l'eau partout et plein de bateaux pour relier les différentes rives entre elles.
2) c’est la ville des mosquées : il y en a partout. Conséquence : dans le Guide du Routard, une phrase du genre (à propos d’un resto sympa par exemple), "c'est à gauche de la mosquée" n’a aucun sens.
3) c'est la ville des chats : il y en a partout. Les chiens sont quasiment absents.
4) c’est la ville des taxis fous furieux qui surgissent généralement dans des petites ruelles à fond la caisse en marche arrière. A ce propos, la conduite turque à quelques particularités qu’il est utile de connaître. D’abord, la chaussée est par définition le lieu où roule les voitures (vous pouvez vérifier dans un dico), donc le piéton n’a rien à y faire. Aucun automobiliste stanbouliote ne s’arrêtera pour vous laisser passer si vous voulez traverser. Au mieux il klaxonnera pour vous avertir que si vous n’avez pas regagné le trottoir le plus proche dans les trois secondes, vous finirez à l’hosto. Conséquence n°1 : le piéton distrait voit son espérance de vie chuter dramatiquement. Conséquence n°2 : le piéton aguerri traverse n’importe où, n’importe comment. Piéton à Istanbul est une activité qui demande une attention de tous les instants. Cela dit, automobiliste doit être une activité qui en demande beaucoup plus.
Déambulations diverses jusqu’à la nuit.

Dimanche 26 : Faisons les touristes : Ayasofia (Sainte Sophie) et Sultanhamet Camii (la mosquée bleue). Ayasofia n’est pas dans un super état...
Opération billets de bus pour le lendemain.
Puis un petit tour sur la rive asiatique pour prendre le çay, vautré sur des coussins, devant le coucher de soleil sur le Bosphore. La grande classe.

Lundi 27 : Tourisme, Topkapı. Puis le Grand Bazar. Qui porte bien son nom. Good price for you my friend ! Preuve que je n'ai pas forcément la dégaine du touriste lambda, alors que j'attendais je ne sais quoi près d'un étal de fringues, une mamie turque commence à taper la discute en tâtant les pantalons à côté de moi. Visiblement elle me prend pour le vendeur. Ce en quoi elle est rapidement déçue.
Et c'est l’heure du bus pour Uçhisar.

Les voyages

Lors de ce petit séjour, plusieurs moyens de transport ont été utilisé. Petit passage en revue.

Le bus inter-urbain : le bus à Istanbul se comporte comme son cousin le taxi, il faut donc s'en méfier. Cela dit, de par sa taille (qui l'empêche de se faufiler partout) et l'encombrement permanent des rues, le bus reste quand même moins dangereux.

Le bus inter-régional : plutôt fort correct. Pour les voyages de nuit, les compagnies de bus ont inventé un système infaillible pour empêcher les gens de dormir plus de deux heures d'affilée. Premièrement ils servent à boire très régulièrement. Deuxièmement ils s'arrêtent aussi régulièrement pour que les passager puissent évacuer tout ce qu'ils ont bu précédemment. Il faut aussi noter qu'avant de nous servir à boire, on nous asperge les mains d'eau parfumée. Au retour, on a pris une autre compagnie qu'à l'aller. Moins chère. La différence de prix a été immédiatement visible dans la mesure où on nous a passé un film de baston où Wesley Snipes martyrise tout un tas de méchants nord-coréens (pléonasme) qui conspirent à la destruction de l'humanité (au moins).

la dolmuş : on a tenté une fois le dolmuş pour relier Üsküdar (rive asiatique) à Eminönü (rive européenne). Mais après longue palabre en anglo-germano-néerlandais avec un gars des renseignements de la gare des bus, on en a conclu qu'il n'y en avait pas qui faisait le trajet qu'on voulait, et donc on a pris le...

Le bateau : pour relier les différentes rives stanbouliotes. Malgré leur petite taille, les bateaux qui font la navette ont la priorité sur les gros cargos russes pourraves qui patientent une éternité au large du Bosphore en attendant une créneau pour se faufiler dans le détroit.

Le taxi : on a pas pris le taxi. Pour de plus amples détails sur le difficile métier de taxi, se reporter au chapitre précédent.

La voiture louée : elle fera l'objet d'un chapitre à part.

L'avion : rien de spécial. Si, j'ai appris dans le magazine Air France que c'est Hou Hsiao-Hsien qui a fait les pubs pour la compagnie qu'on voit en ce moment à la télé. Pour une fois il touchera un vaste public.

La Cappadoce à pied

Car nous sommes jeunes et sportifs, et aussi car nous n'avions pas de moyen plus moderne pour nous déplacer, nous avons pas mal marché dans la zone entourant Uçhisar

1er jour : nous sommes hyper motivé et même après une nuit de bus et une arrivée à 6h du mat' dans un Uçhisar désert, nous sommes décidés à attaquer d'entrée ! Le gars de la pension nous amène au début de la vallée blanche suivie par la vallée de l'amour avec ses cheminées de fée aux formes impudiques. Arrivée à Çavusin, ses maisons troglodytes et ses cailloux en forme de gruyère. Puis Çavusin-Göreme. Enfin, il est temps de rentrer, alors on est parti pour la « vallée longue ». En passant on croise une église aux peintures super bien conservées, deux jeunes chiens fous-fous. Curieusement le chemin devient de moins en moins praticable. De plus, à la faveur de l'exploration d'un recoin dans la roche, le groupe se scinde en deux ! Au bout d'un certain temps il faut bien admettre un truc : on sait plus trop où on est. Ce système de petites vallées est vite labyrinthique. Comme il sera dit plus tard, c'est "la vallée des oufs" (=la vallée des fous en langage jeune). Pour ne rien arranger, le soleil devient vachement bas sur l'horizon. Damned ! Heureusement (car cette histoire finit bien), on croise un autochtone en quad (horreur !), quad dont le bruit attire l'autre partie du groupe. Challenge n°1 réussi : on est à nouveau réunis. Challenge n°2 : trouver la sortie. Après moult détours on sort enfin du dédale ! Et on arrive à la pension sur les rotules à la nuit tombée. Une journée bien remplie. A partir de là on est un peu passé pour des warriors aux yeux des autres touristes de la pension.

2ème jour : c'est le jour de l'éclipse. En attendant on grimpe un peu sur une colline près du poste d'observation. Et puis après on crapahute dans les rochers de l'ancien village (troglodyte donc). Ce qui est beaucoup plus intéressant que de juste grimper sur le gros rocher comme le font les touristes ordinaires.

3ème jour : toujours au taquet (ça aussi c'est du langage de jeune, ça veut dire que ta motivation atteint des hauteurs himalayennes), on va à Göreme part le chemin des écoliers : la vallées des pigeons (et on ne fait pas de jeux de mot !). Parcours le moins euclidien possible : que des détours et des digressions divers (tient, un pigeonnier ! tiens une galerie ! etc...). Malgré tout on arrive à destination sans trop se perdre. Au retour, comme notre naïveté n'a pas de bornes, on retente le chemin où on s'est perdu l'autre jour. Cette fois on commence bien (la fois précédente on s'était planté dès le début !), mais là aussi rapidement on se met à tourner en rond, à se retrouver face à des falaises infranchissables et des précipices abyssaux. Cette fois-ci on évite les bêtises et on rentre via un chemin plus orthodoxe. Là encore une journée bien remplie.

4ème jour : rien, celui qui est venu avec une entorse à la cheville ne peut plus avancer.

5ème jour : cette journée sera traitée plus tard.

Le turc c'est facile

Malgré le fait que la langue turque fasse partie des idiomes ouralo-altaïques et que rien que ce nom annonce des choses fort complexes, il n'en est rien, le turc, c'est facile (d'où le titre).
Voici un petit lexique qui suffit amplement à la conversation. Vous pardonnerez j'en suis sûr les déficiences sur le plan diacritique de la graphie des termes explicités ci-après.

evet [évète] = oui.
mersi [mersi] = merci.
pardon [pardone] = pardon.
bay [baï] = homme ; utile pour les toilettes.
bayan [baïane]= femme ; utile pour les toilettes.
giriş [guiriche] = entrée ; utile pour les musées.
çikiş [tchikiche] = sortie ; utile pour les musées.
bileti [biléti] = ticket d'entré ; toujours de 10 lires.
günes tutulması [gunèche toutoulmaseu] = éclipse de soleil ; difficile à placer dans une conversation normale mais curieusement cette semaine là c'était faisable.
su [sou] = eau.
şişe [chiché] = bouteille.
eczane [edjzané] = pharmacie.
çay [tchaï] = thé.
cadde [cadé] = avenue ; inutile, les noms de rues ne sont pas indiqués.
sokkak [sokak]= rue ; encore moins utile que le précédent.
güney kore [guneï koré] = Corée de Sud ; information indispensable si on veut gagner 10 000 dollars ; explication : un jeune sud coréen a disparu à Istanbul début mars et il y a partout des affiches avec sa photo et la promesse d'une récompense de 10 000 dollars.
çingene [tchineguéné] = gitan ; utile pour insulter ses compagnons de route.
addi Galatasaray [adi galatassaraï] = allez Galatasaray ; se dit généralement aux supporters du Fenerbaçhe (l'autre club de foot d'Istanbul) pour les faire râler.
lira [lira] = lire ; les vieux parlent en vieilles lires (rajoutez 6 zéros), les petits malins parlent en euros.
cheap price [chipe plaïsse] = expensive price.
kara deniz [kara dénisse] = mer noire.
mantı [manteu] = plat turc, genre de raviolis ; ceux de la grand mère de Jérôme sont meilleurs de toute façon.
atatürk [ataturk] = statue sur la place centrale du village.
toulousain [toulouzin] = personne tellement enthousiaste à propos de quelque chose qu'il en devient irritant ; explication : on a croisé une bande de toulousains ultra motivés pour l'éclipse, à tel point qu'ils en étaient très fatigants.
on est où ? [on néhou] = il faut faire demi-tour.
rakı [rakeu] = je crois que je vais aller me coucher.
yo yo yo [io io io] = paroles d'un tube de rap local.
truc de ouf' [truk de ouf] = truc de ouf' ; se dit à tout propos.
en asie [en azi] = se dit à la fin d'une phrase pour souligner de manière ironique le côté faussement exceptionnel de quelque chose ; exemple "regardez, j'ai acheté un souvenir pour ma petite sœur, pas mal non ?", "oui, d'autant plus que tu l'as acheté en Asie". A contrario, toute action entreprise en Europe est moins bien.

La lose, théorie et applications

De l'anglais 'to lose' (perdre), caractérise une situation où le sort s'acharne (malchance, maladresse, etc...).
Attention : la lose doit toujours être considérée avec détachement et coolitude. Si la situation est vraiment critique, on quitte le domaine de la lose proprement dite pour entrer dans le domaine des emmerdes, et là, finit de rigoler.
Un bon voyage présente toujours un moment de lose intense. D'ailleurs, avec le temps, l'instant lose si malaisant sur le coup devient une anecdote qui fera le succès des dîners mondains.

Exemple : la journée du samedi 1avril (sic)
Contexte : c'est notre dernier jour en Cappadoce et, histoire de bouger un peu et comme on a à peu près tout fait de ce qui était à portée de pieds d'Uçhisar, on loue une caisse. Une vielle Renaud.
Et donc on est partie. D'abord le citée souterraine de Derinkuyu. Puis direction la vallée de l'Ilhara. En chemin on croise un lac dans le cratère d'un ancien volcan. On fait un tour. Mais, au moment où nous étions exactement à l’endroit le plus éloigné de la voiture, il se met à pleuvoir. A peine a-t-on regagné le véhicule que la pluie, bien évidemment, cesse. C'était le premier (petit) instant lose.
C'est reparti ! Arrivé à Ilhara, pause déjeuner, mais après (suspense), la voiture ne démarre plus ! même pas la peine de pousser, quand on tourne la clé il ne se passe rien, pas un bruit. Là dessus, un soudain orage de grêle survient ! Résumons : nous sommes dans un petit bled à une centaine de borne de camp de base, la voiture est en rade, il grêle, et on a le bus pour Istanbul qui part dans la soirée. En un mot, c'est la... lose (voilà c'est ça, vous commencez à piger le concept).
Heureusement, les autochtones sont curieux et viennent voir un peu la voiture. Un coup de clé anglaise et elle redémarre assez pour aller au garage le plus proche (rappel : sur la route il y a une couche de grêle, une couche de boue, une couche de mouton, des conditions de circulation difficiles donc). En attendant, on prend le thé dans le rade où les vieux du village jouent au baggamon toute la journée. Non, en fait pas toute la journée, car soudain ils se lèvent tous et s'en vont. (en anglais) "Ils vont où ?" "A Moscou" "Ah bon, c'est des communistes ?" "Non, non, pourquoi vous dites ça ?" "Euh..." (moment de flottement). Et puis vint l'illumination. En fait ils vont pas à Moscou, ils vont à la mosquée (en anglais mosquée=mosque qui se prononce, surtout par un turc, comme moscow).
Bon, finalement, la voiture revient, elle marche (il y avait un faux contact quelque part). Et on rentre.

C'est aussi ça qu'il y a de bizarre dans les voyages, pour rencontrer des vrais turcs il faut qu'il y ait quelque chose qui déraille...

La Cappadoce des touristes

La Cappadoce est de très loin la région anatolienne qui est le plus densément peuplée en touristes. Partout. Il faut assumer. Que faire alors ?
Le rocher d’Uçhisar par exemple. Ancien village, troglodyte. Le truc, c’est qu’il y a plein d’autocars (enfin, plein, disons deux ou trois) et sans demander rien à personne on nous considère comme faisant partie des touristes allemands, et on entre gratos. Mais en fait ce rocher n’est pas spécialement intéressant. Il vaut mieux descendre un peu plus bas et se couvrir de poussière à crapahuter dans les grottes diverses.
Son cousin, celui de Çavuşin est gratuit, et conséquence directe, n’est pas très sécurisé. Mais si tu tombes, tu atterris, une vingtaine de mètres plus bas, directement devant la guérite des jendarma qui appelleront sûrement l’ambulance.
Et bien sûr, il y a Göreme, son site classé et ses tourniquets comme au métro pour y entrer. Comme partout ailleurs dans le monde, il y a les groupes d’asiatiques divers qui se prennent en photos à tour de rôle. Il y a ceux qui se réfugient au frais dans les grottes parce que la zone se transforme en four dès qu’il y a un peu de soleil. Il y a ceux (moi par exemple) qui se la joue donneurs de leçons ("bande de nuls, là c’est représentatif de la période iconoclaste alors que là par contre on voit bien qu’il y a eu restitution desdites icônes, etc...") alors qu’ils ont appris tout ça un quart d’heure avant dans le guide du routard.
Si on loue une voiture, on peut aller jusqu’au cités souterraines propices au développement de l’imagination ("ouais, comme dans le seigneur des anneaux !") et de la claustrophobie ("oh, oh, y a la boite à fusible de l’éclairage, tu crois que ça craint si on coupe le courant ?").
Après, si on a une voiture (qui marche), du temps et qu’on ne se laisse pas distraire par les circonstances extérieures (genre une éclipse de soleil), on peut pousser plus loin, il paraît qu’il y a un chouette site hittite un peu plus à l’est, qu’on peut faire du ski sur l’Erciyes daği, qu’il y a quelques caravansérails de çà de là. Qu’en gros tu peux rester un mois dans le coin sans t’ennuyer.
De toute façon, le touriste ici est roi. A l’entrée d’Uçhisar, le plan de la ville est en turc et en français. Beaucoup ici parlent français, ou au pire anglais. La honte totale quand tu parles à un turc en anglais et qu’il répond en français (il aura reconnu le touriste français rien qu’à l’accent !). N’exagérons pas, tout le monde n’est pas trilingue, mais quand même.
On a croisé un nombre incalculable de français dans ce village. Peut être est-ce dû à une politique très réfléchie d’aménagement touristique (les français vont à Uçhisar, les anglais à Ürgüp, les allemands à Avanos, etc...).

Manger, dormir

Il sera fait ici une petite description de ses conditions de vie dans ce pays lointain.

Dormir. A Istanbul on avait réservé un hôtel genre auberge de jeunesse, d'ailleurs la moyenne d'âge de la population était d'une vingtaine d'années. Curieusement, la plupart des lieux pour loger les touristes se situent dans la zone hyper-historique, c'est à dire à deux pas de Sainte Sophie et de Topkapı. C'est plutôt pratique puisque tu peux tout faire à pieds. Et puis, si tu es fatigué, après une longue nuit de bus par exemple, il y a une télé grâce à laquelle tu peux regarder les émeutes de la veille à Taksim.
A Uçhisar, on était dans une pension fort sympathique dont le proprio avait le mérite de nous supporter (mais après tout c'est son boulot). D'ailleurs il parle français (comme j'ai déjà dit, il y a là une forte concentration de français), en fait il a été barman à Saint-Moritz dans sa jeunesse folle. Et comme le créneau du touriste français (même le site internet de la pension (car il y a internet en Cappadoce, si si) est en français) est porteur, son neveu (dont il s'occupe) apprend le français, tout seul avec un gros bouquin. Le seul défaut que je soulignerais ce serait l'absence d'eau chaude quand j'en ai eu besoin. Cela dit ça n'arrivait qu'à moi. Je sais pas, une sorte de malédiction qui faisait qu'à chaque fois la meute de toulousains me pompait l'eau chaude juste avant ? Non, sinon, bien. Y avait même un van pour nous amener de çà de là quand le besoin s'en faisait sentir.

Manger. Bien, et généralement beaucoup. On a rapidement appris à maîtriser le turc de cuisine et les menus n'ont plus eu de mystères pour nous. "
Speak turkish ?" nous a-t-on demandé un jour. "Only for food". Dolma, beurek, şiş, tavuk, kebab, etc... Miam, miam. Attention néanmoins aux petits poivrons qui peuvent parfois se confondre avec des piments qui arrachent plutôt méchamment. Encore plus important, il faut bien avoir à l'esprit que la grand mère de Jérome & Fabien (qui je le rappelle est arménienne) sait faire pareil mais en mieux et que elle seule connaît les véritables recettes de la cuisine locale. Sinon, il y a les desserts et pâtisseries qui dégoulinent de sucre et qui plombent les estomacs pour 48 heures minimum. Heureusement y a le çay (ou le café turc) pour digérer tout ça. A propos de café turc, bien évidemment ça ne loupe jamais, la première fois tout le monde oublie qu'il y a 1 cm de marc au fond de la tasse et en avale tout ou partie.

Istanbul (2)

Dimanche 2 avril : arrivée super tôt en bus. Retour à l’hôtel de la dernière fois. Un peu claqué on regarde d’un oeil morne les manifs des kurdes hier soir à Taksim (hyper centre d’Istanbul). "Ca arrive souvent le samedi soir. En France aussi y a des manifs ?" nous dit un turc. "Oui mais bon, c’est pas comme là, on a pas encore vu de cocktails molotovs et de flingues". Apparemment il y a eu un attentat à la bombe (un mort) vendredi, pas loin. Curieusement, on en a rien cirer et on continue à déambuler l’esprit allègre dans la ville. On va voir les citernes souterraines. Pas mal. L’après midi on est motivé pour aller faire un tour en bateau vers les îles aux Princes. Horaires non compatibles. On se rabat vers la tour de Galata. Belle vue d’en haut.
A noter que le blessé du pied qui ne peut plus bouger est resté cloîtré dans la chambre à lire le guide du routard et nous fait le soir venu un exposé a posteriori du voyage ("Tu te souviens quand on a fait ça, eh ben en fait, etc...")

Lundi 3 avril : quartier libre le matin : il s’agit de faire les achats des derniers souvenirs. Le mieux est quand même d’aller se faire arnaquer au Grand Bazar ou à son cousin le Bazar Egyptien. A côté de ce dernier il y a le coin des marchands de fleurs et d’animaux. On entend un paon gueuler. Si il arrive à couvrir le bruit de la foule et de la circulation, c'est qu'il doit être fort malheureux. Toujours à l'affût du touriste, les marchands nous prennent cette fois ci pour des espagnols (au début du séjour on passait plutôt inaperçu), sans doute à cause de la barbe de 10 jours qui commence à se faire voir.
Le blessé n’est pas aussi ambitieux, il se contente d’aller chez le barbier où il en profite pour se prendre en photo en train de souffrir sous les massages plutôt musclés de ce dernier.
Et l’après midi, c’est l’heure de l’avion. Cette fois on a des places sûr. Parce que ça j’ai oublié de dire, à l’aller, on n’était pas sûr de partir : en raison d’un potentiel manque de personnel (CPE, grèves, tout ça...) l’avion aurait pu partir sans nous et il a fallu attendre le dernier moment pour savoir si c’était bon (et c’était bon). Sur un autre point aussi ça c’est mieux passé, j’ai pas eu à enlever mes chaussures au portique. Cool. Moins bien, une fois dans l’avion les hôtesses ont ppshité de l’anti-grippe-aviaire partout. Beurk.

FAQ du voyageur

Les turcs sont ils pour ou contre le voile ?
A la télé et dans le centre d’Istanbul, résolument contre. Dès qu’on a passé le Bosphore, résolument pour.

C’est quoi tous ces mots en "-si" ?
On a beau ne pas s’intéresser plus que ça à la structure grammaticale de la langue turque, on ne peut pas échapper à ce constat pour peu qu’on ait un minimum de sens de l’observation (Caddesi, Iskelesi, kalesi, eczanesi...). En fait c’est la marque du possessif. "Eczane" = "pharmacie" ; "Ahmet eczanesi" = "pharmacie d’Ahmet".

Qu’est ce qu’un collier anti-loose ?
Collier auquel pend un disque de couleur bleue, avec au centre une touche de blanc. Certains ont interprété ça comme une représentation d’un oeil, censé justement protéger contre le mauvais (d’où l’appellation). Au fond on ne sait pas si c’est bien ça mais toujours est il qu’on en vend partout.

Que faire quand on est perdu à Istanbul ?

Il faut descendre et une fois arrivé au bord de l’eau, on se repère tout de suite.

Que faire quand on est perdu en Cappadoce ?
Il faut monter et une fois arrivé en haut, on se repère tout de suite (ou pas).

Qui soutenir ?
C’est un réel problème. Galatasaray, ils sont connus mais en ce moment ils n’ont plus une thune et les résultats s’en ressentent. Beşiktaş, bof, y a bien Jean Tigana comme entraîneur mais bon... Fenerbaçe, en ce moment ça marche du tonnerre. Alors tout le monde est d’accord et soutient Fenerbaçe. Ou alors s’en tenir à son équipe française préférée mais là encore méfiance : comme les sud américains, les turcs connaissent peut être mieux les résultats du championnat français que vous.

Que faire à Ürgüp ?

Manger. Des beureks chez Volkan ("You know, like a volcano !") au Sofra Restaurant. Et pour digérer, des pâtisseries juste à côté. Et comme la fatigue se fait sentir, qu’il ne fait pas beau, et qu’on a un blessé, on peut passer son après-midi à taper le carton sous l’œil amusé et incrédule des autochtones (incrédules car ils n’ont jamais vu des cartes de tarot).

Comment prononcer le i sans point (ı)?
C’est pas la peine d’essayer, on n’y arrive pas.

Où est la gare des bus d’Istanbul ?

Dans une banlieue sinistre et lointaine, ce qui peut se justifier puisque lorsqu’on y est on a plus qu’une envie : partir.

Et Dieu dans tout ça ?
Dans l’hôtel où on était à Istanbul, il y avait une étagère à cross-booking (rappel du principe : on peut prendre un livre mais il faut en mettre un autre en échange). Il y avait quelques polars de gare, les horaires d’avion au départ de Djakarta, un gros pavé sur la physiologie du pancréas (ou un truc du genre), quelques trucs non distingués (puisque écris en coréen, russe ou chinois), et même un San Antonio. Et puis plusieurs bouquins tentant de rétablir la vérité vraie du monde réel, à savoir qu’Allah est grand et que les théories issues de la décadence occidentale (Darwin, tout ça...) n’ont aucune valeur. En cherchant bien on trouve aussi un petit fascicule vantant les exploits d’un quelconque kamikaze qui a fini éparpillé quelque part. Curieusement ce sont ces livres là qui sont le moins usés.

Pişli world tour

Quand on est en rade quelque part en Cappadoce, que la voiture ne démarre plus et qu'il grêle, on peut attendre que la situation s'améliore en apprenant à jouer au Pişli. Le Pişli (prononcer pichli) est un jeu de cartes turc. La signification du mot pişli nous est inconnu, ce serait apparemment de l'argot en rapport avec la nourriture.

Soit deux joueurs et un jeu de 52 cartes...

1) Distribution des cartes :

- Au départ, 4 chacun,
- au milieu, 4 cartes, celle du dessus visible,
- pour le talon, la carte du dessous est visible.

2) Faire un pli :

- Première manière : poser la même carte que celle déjà sur le tapis,
- Deuxième manière : poser un valet, qui est un joker.

Celui qui n’a pas ramassé le pli joue ensuite (s’il lui reste des cartes), sinon on redistribue 8 cartes et on recommence.
Dans le cas ou les 8 cartes sont jouées sans qu’un pli soit fait, on redistribue 8 cartes et on recommence.

Remarque : le joueur qui ramasse le premier pli ne regarde pas ni ne montre pas les 3 cartes non visibles.

3) Jokers spéciaux :

Dans le jeu, on croisera éventuellement des « jokers spéciaux » en plus des valets. N’importe quelle carte peut le devenir si elle remplit une des conditions suivantes :

- lors du premier pli, la carte posée par le premier joueur est la même que la 4ème, celle qui est visible,
- après qu’un pli ait été ramassé, la première carte posée par celui qui a fait le pli est la même que la première carte posée par celui qui n’a pas fait le pli.

Dans un de ces cas, la carte posée devient « joker spécial ».

4) Compte des points :

- Valets (jokers réguliers) : 1 pt,
- as : 1 pt,
- 2 de trèfle : 2 pts,
- 10 de carreau : 3 pts,
- jokers spéciaux : 10 pts,
- bonus « le plus grand nombre de cartes » : 3 pts.

5) Fin de la partie :

La partie s’arrête quand un joueur atteint les 150 points.

L'éclipse

Après tout, c’est aussi pour ça qu’on est là.
Ceux qui suivent vraiment ce qui s'est dit dans les chapitres précédents auront vu que "güneş tutulması" est un bien bel exemple de l'utilisation du génitif. A ceux là je ferai remarquer qu’il y a une légère nuance orthographique, en effet, le "ı" de tutulması et en fait un "i sans point". Mais alors, quid de la règle grammaticale relative au possessif exposée au chapitre 10 ? Ami lecteur, en réalité, tout n'est pas aussi simple, en effet, il y a le phénomène de l'harmonie vocalique qui fait que, d'accord, après les mots en "e" on met un suffixe "-si" mais pour les mots en "a" on met "-sı" (avec un i sans point). Ceci éclairé, on peut passer à la suite.
Pour une bonne éclipse, il faut plusieurs ingrédients.
Un soleil, plutôt loin et plutôt brillant.
Une lune, forcément moins loin et plutôt obscure.
Des nuages, pas trop si possible.
Un atlas pour pouvoir choisir sereinement l’endroit d’où l’on va observer le phénomène.
Des infos pertinentes, par exemple il fallait éviter la Libye puisque l’ami Kadhafi faisait payer (cher) aux étrangers l’accès à la bande de centralité.
Des toulousains pour mettre la pression ("C’est à quelle heure le premier contact ?" "Heure locale ou universelle ?" etc...).
Une météo incertaine pour mettre encore plus la pression.
Un accès à internet pour vérifier tous les quarts d’heures l’évolution des prévisions sur weather.com
Un plan B en cas de mauvais temps.
Une voiture, un loueur de voiture et une carte routière pour exécuter le plan B.
Du matos, au minimum un appareil photo.
De la patience.
Une fois qu’on a tout ça, on peut se lancer.
Donc, mercredi 29 mars 2006, à Uçhisar, (département de Nevşehir, Turquie), on y était ! On s’est calé un peu à l’écart du village près de la vallée où on s’est paumé la veille. Au calme. On partage les tâches : Jojo règle son matériel (un petit télescope) et les autres vont faire un tour escalader une colline des alentours. Et puis on tape le carton en attendant le début des phases partielles. Et ça commence. Les uns (en fait un) s’affairent à préparer ses photos, les autres font la sieste. Eh oui, c’est long les phases partielles... Au bout de quelque temps on voit quand même qu’il se passe quelque chose. Il fait plus sombre. On remet son pull. Puis sa veste. On enlève les lunettes de soleil. Le silence se fait. Bref, le monde change. L’ombre arrive. Cela ne dure pas longtemps. Un peu plus loin, au village on attend des cris et on voit crépiter les flashs du haut du rocher. A l’est, une belle vision de l’Erciyes daği, 3917 mètres au compteur, tout enneigé et encore éclairé tandis que nous sommes plongés dans le noir.
Mais tout à une fin. Et on rentre. Enfin, pas tous, Joël reste, il y a encore des phases partielles. Les quatre autres vont manger un tajine.

Epilogue : le soir venu, il peut être intéressant de faire un montage des photos prises avec l’appareil numérique pour faire une belle image de la totalité qu’on mettra en fond d’écran de l’ordi de la pension, juste pour faire râler des toulousains.