La ville de Bosra devient la capitale de la province romaine d’Arabie créée par Trajan. Deux milles ans plus tard, Bosra est un petit bled pas loin de la frontière jordanienne que tout le monde aurait ignoré s'il n'y avait pas des ruines de l'Empire. Notamment un théâtre. Le théâtre de Bosra est, comme disent ceux qui veulent faire plus jeunes qu’ils ne le sont, un truc de ouf. Voire même un truc de guedin. Mais vraiment. Un des mieux conservé du monde. Immense. Les guides touristiques ne sont même pas d'accord sur sa capacité. 6000 places, peut être 10000. Tout est là, les sièges, les escaliers, les colonnes, la scène et son acoustique au top, les couloirs labyrinthiques... S'il a si bien tenu le coup c'est peut être aussi car le bâtiment à été reconverti en citadelle. Donc des murs renforcés, encore plus de coursives, des remparts, des douves... Bref, c'est du solide et on peut parier que dans 2000 ans il aura pas bougé d'un poil.
Ce qu'il y a de bien dans cet édifice c'est qu'avant d'arriver au théâtre il faut se perdre dans les couloirs sombres et gigantesques, tourner en rond, monter, descendre, et puis, au détour d'une allée, paf, le théâtre se dévoile, niché entre de hauts murs, sa présence en serait presque incongrue. Là comme au Krak, le bâtiment semble plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur. On s'assoit en haut des gradins et on essaie de motiver les autres touristes qui passent sur la scène pour qu'ils nous fassent un petit numéro de chant ou autre, histoire de tester l'acoustique. Peine perdue, on a beau applaudir, quand ils entrent en scène, rien ne se passe, les gens n'osent pas, ou ne comprennent pas. Tant pis.
On croise quand même un vieil américain bavard qui se vante d'avoir mis un pied tous les pays du monde. Même la Corée du Nord. C'est son boulot : guide pour touristes. Encore un gars qui a beaucoup à raconter. En vrac : en Arabie Saoudite les gens conduisent hyper mal ; son oncle chez qui il était envoyé tous les étés quand il était petit était un russe en exil qui faisait chauffeur de taxi à Asnières (c'est donc pour ça qu'il parle français et connaît Paris comme sa poche) ; c'est la quatrième fois qu'il vient à Bosra en trente ans ; c'est le seul résident de l'hôtel (de luxe) du village, etc... Sympa.
A part la citadelle-théâtre, il y a les restes de la vieille ville. Au milieu du village, entre les maisons et les troupeaux de moutons, des allées de colonnes, des restes de cathédrales ou de thermes. Ici les ruines ont encore une utilité, ne serait-ce que pour les gamins qui grimpent sur les remparts ou jouent au foot contre les vieilles bâtisses à moitié écroulées.