C'est reparti. Un écossais en kilt qui comme nous marche sur ce sentier est fort content et nous affirme qu'aujourd'hui, c'est un beautiful day. Parce qu'il y a un bout de ciel bleu au loin. Encouragés par cette humeur, nous marchons d’un bon pas. Le sentier est pour le coup bien loin des voitures et nous longeons une ancienne route militaire plus ou moins pavée. Là, on constate que le chemin est très fréquenté par toutes sortes de marcheurs. La plupart avec de gros sacs à dos. Tous dans le même sens. Nord-Sud. Et donc, fatalement, on finit par croiser régulièrement les mêmes personnes. Deux djeunz frenchies par exemples qui étaient déjà à Tyndrum. Ils marchent vite. Donc ils nous dépassent. Mais ils font beaucoup de pauses (ils ont des sacs fort volumineux). Donc on les rattrape. Et ainsi de suite toute la journée.
Il n’est pas aisé de raconter une journée de marche. Y a qu’à voir les textes du Népal et de la Bolivie pour s’en convaincre, les journées de pure rando sont toujours traitées en vitesse. Tout simplement parce que quand on marche, on marche et qu’il ne se passe pas grand-chose d’autre. A part peut-être dans la tête, mais, après coup, il n’en reste rien. C’est d’ailleurs étonnant de constater à quel point il ne reste rien. Si, à un moment, après je ne sais quel cheminement tortueux, je me suis imaginé en tennisman dans une conférence de presse d’après match à Roland Garros, après avoir battu Kuerten alors qu’il participait à son dernier tournoi à Paris. Tâche difficile car je devais exprimer mon admiration sincère pour le joueur, mais aussi limite m’excuser de l’avoir battu devant un public parisien auprès duquel il était très populaire. Et bien sûr dire que j’étais quand même content d’accéder au tour suivant. Bref, pas facile facile. A part ça, les pensées s’évaporent aussi vite qu’elles apparaissent. Parfois, une chanson ou une mélodie tourne en boucle. Cela peut devenir très crispant car j’ai l’impression qu’il est plus difficile de s’en débarrasser qu’en temps normal. Ce doit être l’effort qui fait ça. Et puis aussi, régulièrement, il y a des problématiques linguistiques qui surgissent. Va savoir pourquoi. Comme ça. Par exemple, ce jour là, le Guadalquivir. Fleuve espagnol qui ne sonne pas du tout castillan. Dérive-t-il de l'arabe ? de oued el-kebir (la grande vallée) ?
Le day n’est finalement pas si beautiful que ça et le temps se couvre. Un peu de bruine de temps à autre. C’est assez marrant en fait le coup de la pluie car on la voit venir et même on peut prévoir son arrivée à la seconde près. Sans rire. Les nuages sont tellement bas qu’on peut voir ceux qui donnent de la pluie. Et on voit le front de bruine qui s’approche, petit à petit…
Comme la veille, le camping n’est qu’un terrain derrière un hôtel. Pas comme la veille, ce coup-ci, un mini pub est à portée de main pour les marcheurs fatigués. L’endroit idéal pour se manger une bonne soupe chaude alors que la pluie tombe à l’extérieur. On y croise beaucoup de monde. Les vieux écossais qui grimpent à toute vitesse sur les sommets du coin. Les jeunes qui se baladent gentiment. Et les marcheurs internationaux qui arrivent exténués & trempés.
Bien évidemment, toute la clientèle féminine qui passe par là va directement au toilettes. Car, oui, c'est un souci qui faut rappeler. Marcher le long de la WHW dans ces conditions implique l’absence de vrais campings donc de vraies facilities. On pourrait aller pisser derrière un arbre me diriez-vous. Oui mais non car des arbres, dans le coin, il n’y en a pas des masses. Derrière une colline ? C’est tout marécageux et bourré de moustiques. Bref, rien, pour se cacher. Pour ne rien arranger, ce sont des sentiers forts fréquentés. Difficile donc d'être tranquille 5 minutes. Ainsi, les filles sont malheureuses. Et vont aux toilettes avant de commander leur pinte de bière. Les mecs font l’inverse.